129a

Publié: avril 10, 2012 dans Uncategorized

L’article 129 du Code criminel allemand, né en même temps que le mouvement ouvrier allemand, existe depuis 1878. Il avait pour but de combattre les « ennemis de l’Etat », soit ceux du pouvoir capitaliste, et a joué un rôle central dans l’arsenal de la répression, depuis Bismarck. Après le Troisième Reich, il a été repris par l’Allemagne fédérale dans le cadre de la guerre froide. 125 000 procédures ont alors été engagées contre des militants communistes.

En 1976, il est adapté aux nouvelles formes de contestation pour mieux viser les groupes autonomes : remanié, son rôle répressif se renforce et s’élargit. Le paragraphe §129a est alors créé, avec l’objectif annoncé de lutter contre les militants de la lutte armée, et avec le résultat d’une collecte d’informations en quantité inouïe. Il donne aux autorités des moyens accrus de poursuites dans le cadre de la lutte dite « antiterroriste », justifiant notamment des conditions de détention particulièrement dures. Il a permis à la police de tester, éprouver et améliorer des méthodes qu’il a été ensuite plus facile d’étendre : écoutes téléphoniques, traques longues, écoutes des domiciles, utilisation systématique de taupes, chantage au repentir, contrôle de l’espace public, vidéo-surveillance, etc.

Ce paragraphe a été appliqué au-delà des militants des groupes armés à ceux qui refusaient de condamner cette forme de lutte. Dans les années

quatre-vingt, près de 50 000 personnes ont été enregistrées comme « terroristes » suspectés ou « hostiles » à l’État dans le fichier informatique Sécurité intérieure de la police ouest-allemande. Le paragraphe 129a a donné lieu à 3 300 procédures durant cette décennie, concernant des dizaines de milliers de personnes. Dans les années quatre-vingt-dix, 1 500 procédures ont été engagées et seulement 6 % ont abouti à des condamnations. Cela démontre la facilité avec laquelle ce moyen de pression était employé sans qu’aucun élément sérieux ne puisse expliquer les poursuites : le paragraphe 129a permet de condamner l’appartenance à une « organisation hostile à l’État » sans qu’il y ait besoin de prouver l’implication directe dans des faits criminels. De « fortes présomptions de culpabilité » sont un motif de poursuites suffisant.

En 2002, une nouvelle extension a été décidée : le §129b. Il permet la poursuite des militants politiques d’origine étrangère et s’inscrit dans l’internationalisation des lois antiterroristes, après le 11 septembre. Mais cette loi était depuis longtemps dans les tiroirs de la justice allemande. Si quelques procédures ont concerné des groupes islamiques, elles concernent depuis 2008 des militants de groupes révolutionnaires, tels que des militants turcs du DHK-PC, dont le procès, et c’est symbolique, s’est tenu à Stammheim, tribunal construit pour le procès contre la RAF.

Votée sous forme de lois d’exception dans les années soixante-dix, la législation antiterroriste du 129a est toujours d’actualité. C’est sur cette base qu’un procès est intenté contre Sonja et Christian aujourd’hui. L’enfermement qui se poursuit depuis plus de six mois pour Sonja, le contrôle judiciaire de Christian, et le procès qu’ils vont bientôt subir, sont donc à intégrer dans cette longue tradition répressive allemande. Le combat à mener auprès d’eux n’est pas seulement un geste de solidarité. C’est une part du combat mené depuis des décennies contre la volonté d’intimider ceux qui luttent. 

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